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Le régime Cat Nat : Définition et évolution

21/06/2023

L’assurance des risques climatiques devient un sujet de plus en plus présent du fait de l’actualité et du changement climatique global.

En ce sens, l’autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA – European Insurance and Occupational Pensions Authority) et la Banque Centrale Européenne (BCE) ont publié en avril 2023 un document de travail sur l’assurance des risques climatiques en Europe.

À travers cet écrit, le régime Cat Nat français a été mis en avant du fait de son principe de fonctionnement, articulé autour de la Caisse Centrale de Réassurance (CCR), organisme public de réassurance avec garantie de l’État (et détenu à 100 % par lui), qui propose aux assureurs opérant en France des couvertures de réassurance contre des risques de grande envergure et difficilement mesurables, dont le risque de catastrophes naturelles. Chaque assureur opérant en France, porteur des risques souscrits, peut donc céder ces risques à la CCR et bénéficier d’une garantie en cas de manifestation de sinistres de grande ampleur.

Nous vous proposons de mieux comprendre ce régime Cat Nat spécifique à la France, les évolutions qu’il a connu ces dernières années et les points de questionnement à venir.

Le régime Cat Nat, qu’est-ce que c’est ?

Le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (Cat Nat) a été créé par la loi N° 82-600 du 13 juillet 1982. Il associe les assureurs et l’État à travers un dispositif de réassurance publique, qui permet de couvrir l’ensemble des personnes physiques ou morales, ayant souscrit à un contrat d’assurance dommage, contre les risques naturels, et donc de bénéficier d’une indemnisation pour les dégâts causés.

« Les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’Etat et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles sur les biens faisant l’objet de tels contrats. » – Extrait de l’article 1 de la loi N° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles

Quels risques/dommages sont protégés par le régime Cat Nat ?

Le régime Cat Nat s’applique aux inondations, aux phénomènes liés à l’action de la mer, aux épisodes de sécheresse réhydratation des sols argileux, aux mouvements de terrain, aux avalanches, aux séismes, aux éruptions volcaniques et aux cyclones ou ouragans.

Il est à noter que le régime ne s’applique pas aux feux de forêts et de végétation, aux vents violents dont la vitesse est inférieure à celle des cyclones et ouragans, à la grêle ou la neige. Les dégâts causés par ces phénomènes sont pris en charge par d’autres garanties.

Seuls les dommages matériels directement causés sur des biens assurés sont indemnisés.

En complément, des franchises différentes sont à prendre en compte selon la nature de la catastrophe naturelle. Par exemple, les dommages provenant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse ou à la réhydratation des sols ont une franchise plus importante.

À titre d’information, ci-après un graphique présentant l’évolution de la sinistralité Catastrophes Naturelles au cours des 30 dernières années :

La sinistralité Catastrophes Naturelles Non-Auto de 1982 à 2021

Quelles évolutions depuis la loi de 1982 ?

Côté législation, le 28 décembre 2021, une nouvelle loi relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, apportant une évolution au régime Cat Nat est entrée officiellement en vigueur. Ce texte a pour but d’assurer la pérennité du régime au vu des évolutions récentes des sinistres climatiques : le délai de dépôt d’un dossier de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle après la survenance de l’évènement passe de 18 à 24 mois ; le délai d’indemnisation de l’assuré est quant à lui réduit.

Dans la continuité de cette nouvelle réforme et du fait du réchauffement climatique, de nombreuses questions se posent autour de la gestion de l’indemnisation de la sécheresse :

Une ordonnance a été approuvée par le Conseil des Ministres début février 2023 afin d’assouplir les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle due à la sécheresse, et l’élargissement des zones de reconnaissance (prise en compte de la situation des communes limitrophes notamment). Ce dispositif impliquera vraisemblablement à l’avenir une augmentation des cas de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, et pour des ampleurs plus importantes, puisqu’elle introduit une notion de souplesse géographique pour des communes qui, jusque-là, n’auraient pas été concernées. Or, le montant d’indemnisation 2022 pour la sécheresse s’élevait à 2,9 milliards d’euros, pour un montant total versé par la CCR au titre du péril sécheresse de 16 milliards d’euros depuis 1989, montant qui pourrait tripler d’ici 2050 selon certains experts. Pour information, ce montant d’indemnisation était d’un peu plus d’un milliard d’euros en moyenne entre 2017 et 2020, et 445 millions d’euros en moyenne depuis 1982.

En outre, un rapport du Sénat sur le financement du risque RGA (Retrait-Gonflement des sols Argileux) a été publié mi-février, qui s’inquiète pour l’équilibre du régime Cat Nat à l’avenir. En effet, 54,2 % de l’habitat individuel français est concerné par le risque de RGA, et seule la moitié des communes sinistrées parvient à bénéficier d’une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Dans un contexte d’élargissement par ordonnance des critères d’éligibilité et de tendance à la hausse de la sinistralité globale pour les années à venir, le régime Cat Nat semble exposé à un véritable défi. Le rapport du Sénat préconise la prévention, en établissant des contraintes à la construction, et introduit qu’il est parfois préférable de démolir une habitation sinistrée pour la reconstruire ailleurs, et mieux, i.e. en intégrant à la construction des dispositifs de prévention (écrans anti-racinaires, limitation de l’évaporation de l’eau par exemple), un choix rendu impossible par l’ordonnance préalablement citée, qui impose une obligation pour l’assuré d’affecter le montant de l’indemnisation perçue à la réfection de son habitation, à l’exclusion de tout autre type de chantier.

Enfin, une proposition de loi visant à modifier le système d’indemnisation des sinistres dus au RGA a été adoptée par le parlement et doit maintenant être examinée par le Sénat. Ce texte vise à élargir les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, au moyen de plusieurs nouvelles directives :

  • Prise en compte de nouvelles mesures d’humidité du sol pour appréhender le risque de gonflement
  • Comparaison des épisodes de sécheresse d’année en année, et non plus mois à mois, pour intégrer la notion d’effets différés d’un sinistre
  • Automatisation de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle pour une année si elle figure parmi les dix plus sèches des cinquante dernières années
  • Introduction, en cas de déclaration de catastrophe naturelle sécheresse, d’une présomption de ce que la cause déterminante est le retrait-gonflement de l’argile, afin de faciliter l’accès à l’indemnisation
  • Obligation pour l’assureur cherchant à déterminer les causes d’un dommage de mener des analyses des sols prenant spécifiquement en compte le risque de RGA
  • Éligibilité égale des sinistres nouveaux et de l’aggravation de fissures anciennes au titre des préjudices indemnisés en cas de catastrophe naturelle sécheresse

En parallèle, la Caisse Centrale de Réassurance, en charge du régime Cat Nat, a remis un rapport sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, fin décembre 2022, au ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté. Le changement climatique aura un impact direct sur les réserves de la CCR : le déficit de financement du régime atteindrait 420 M€ par an à l’horizon 2050, hors effet des réformes en cours.

Dans ce rapport, la CCR envisage trois pistes pour réduire ce déficit prévu : « renforcer les efforts de prévention, recentrer les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle sur le principe législatif originel, augmenter les ressources du régime ».

Cette tendance à la dégradation du régime Cat Nat français et la difficulté à envisager des solutions efficaces pour le sauver relancent le débat sur l’assurabilité des risques climatiques dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui.

Le document de travail sur l’assurance des risques climatiques en Europe, publié par l’EIOPA et la BCE mettait en avant le système français, mais voilà que ce dernier souffre violence, et que sa pérennité est remise en question. Existe-t-il d’autres systèmes alternatifs à l’étranger ? Faut-il repenser la mutualisation des risques climatiques et ne plus passer par un État, mais par un organisme privé, ou par un fonds ou consortium commun aux différents assureurs de la place ? Le cas échéant, à quelle échelle ? Autant de questions plus que jamais d’actualité.

Cet article a été rédigé par nos experts :

Basile LEFEVRE

Basile LEFEVRE

Consultant Modeling & Risk P&C

Benjamin POUDRET

Benjamin POUDRET

Partner, Head of Modeling & Risk P&C

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