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EIOPA : Stress Tests Climatiques IRP

15/02/2023

L’EIOPA a publié le 13 décembre dernier les résultats de son premier exercice de résistance à un scénario de transition énergétique, à destination exclusive des institutions de retraite professionnelle (IRP) avec une distinction faite entre régimes à cotisations définies et régimes à prestations définies. Cet exercice comprenait un volet quantitatif via la réalisation d’un scénario relatif au risque de transition complété par un questionnaire permettant d’évaluer dans quelle mesure ce risque est appréhendé par les acteurs.

L’objectif de cet exercice était triple :

1.  Comprendre et mesurer l’exposition des principaux marchés des IRP à un scenario de transition donné

2. Valider le caractère non systémique d’un tel scénario

3.  S’assurer de la prise de conscience de l’importance de ce sujet par ces acteurs, notamment en ce qui concerne les stratégies d’investissement.

Quelle est la méthodologie choisie ?

En termes de méthodologie, l’estimation des impacts du scénario s’est faite par une analyse de variation des postes de bilan à la fois en vision économique, et en vision local GAAP. 

Pour ce qui est de la vision économique :

      • À l’actif, les chocs étaient fournis par l’EIOPA :

        • Soit selon la nomenclature NACE ;

        • Soit uniquement par pays.

      • Au passif, les engagements sont recalculés avec une courbe des taux sans risque choquée en deux points (3M et 10Y).

Le scénario choisi est celui d’une transition soudaine et désordonnée[1] qui correspond à la mise en place de politiques de transition tardives, mais conduisant tout de même à une atteinte des objectifs climatiques de réduction des émissions de CO2. Notons par ailleurs, que ce scenario a été élaboré en collaboration avec le Comité européen du risque systémique (CERS) et la Banque centrale européenne (BCE).

Étaient concernés les acteurs du secteur dont le bilan dépasse les 500M€. Au total, 187 IRP ont participé, couvrant l’intégralité des pays – à savoir 18[2] – de l’EEE. L’étude porte ainsi sur un actif total de 1,980 Mds €, soit 65,3% du marché des IRP.

Quelles sont les principales conclusions à tirer de cet exercice ?

Les IRP ont en moyenne environ 10% des obligations d’entreprises et 6 % des actions investis dans les 5 secteurs à plus forte intensité carbone (industries extractives, électricité et gaz, raffinage, fabrication de produits minéraux, transports terrestres et par conduites) ;

L’application des chocs conduit à faire chuter la valorisation des actifs de 12,9 %, ce qui correspond en valeur, à des pertes de 255 milliards d’euros ;

La baisse de la valeur des engagements consécutive à la hausse des taux sans risque permet d’absorber en partie les pertes sur les investissements et ainsi de contenir la dégradation du ratio de couverture des régimes à 2,9 points ;

La prise en compte des facteurs ESG dans la détermination des politiques d’investissement s’impose de plus en plus. Néanmoins, les IRP rencontrent encore des difficultés pour identifier leurs expositions aux secteurs d’activité les plus sensibles au risque de transition;

Seules 14% des IRP sondées indiquent utiliser des tests de résistance environnementaux dans leur gestion des risques. Ces dernières sont également celles qui ont la situation bilancielle la moins dégradée suite à l’application des chocs du scénario ;

Cet exercice a également été bénéfique pour le superviseur, puisqu’il lui a permis de noter des avancées notables dans sa capacité à quantifier les risques de transition à l’échelle européenne.

Qu’en est-il de l’inflation ?

En complément de l’exercice de test de résistance climatique, l’EIOPA a également sondé les Institutions de retraite professionnelle (IRP) via un questionnaire sur le sujet de l’inflation. L’objectif étant, à la fois d’avoir une meilleure vision sur l’exposition des IRP européennes à une hausse de l’inflation, à la fois de recenser les mécanismes mis en place par les IRP pour se prémunir des effets néfastes d’une hausse significative – et persistante – de l’inflation.

 

Les principales conclusions sont les suivantes :

  • Une majorité des IRP (67%) déclare que l’inflation joue un rôle important dans la définition de leur stratégie d’investissement ;
  • Les principaux instruments financiers utilisés pour se prémunir des effets de l’inflation sont : les obligations indexées inflations, l’immobilier et les infrastructures.

Au-delà des résultats de cet exercice, il nous paraît important de souligner que :

  • Cet exercice analyse uniquement un seul scénario correspondant à une transition « soudaine et désordonnée » ;
  • Le stress s’applique à un environnement économique en date du 31/12/2021. Les résultats seraient probablement différents si appliqués au 31/12/2022 ;
  • Les chocs sont appliqués en se basant sur une approche sectorielle via les codes NACE, ce qui peut constituer une limite par rapport à une approche plus fine basée sur les expositions réelles de chaque émetteur ;
  • Le choc sur la courbe des taux est une translation de la courbe centrale basée uniquement sur deux maturités 10 ans et 3 mois ;
  • Le stress n’inclut pas la dimension des risques physiques, ce qui peut être vu comme une hypothèse forte.

Pour autant, ce premier exercice, qui en appellera certainement d’autres au vu des déclarations de la Présidente de l’EIOPA Petra Hielkema[3], montre à quel point le sujet d’une prise en compte adéquate des enjeux climatiques par les assureurs – et notamment ceux aux engagements longs – est un sujet majeur aux yeux du superviseur européen.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la manière de traduire les risques climatiques en risques prudentiels, nos experts sont également à votre disposition pour vous éclairer et vous accompagner dans l’incorporation des sujets climatiques dans vos modèles et processus de réflexion.

Les résultats détaillés et synthétiques sont à retrouver sur le site de l’EIOPA.

Cet article a été rédigé par nos experts :

Ange BOUYOU-MANANGA
Senior Manager
Actuarial Consulting

 

Simon THIBAULT
Senior Manager
Modeling & Finance Life & Health

Annabelle GARRIGUE
Senior Manager
Modeling & Risk

Thibaut GILLIARD
Director,
Deputy Head of Modeling & Finance

 

[1] Le détail en page 9 du lien suivant : https://www.bioenergie-promotion.fr/wp-content/uploads/2019/11/i4ce-etude-scenariostransition_vf.pdf

[2] Autriche, Belgique, Chypre, Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Liechtenstein, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Suède, Slovénie and Slovaquie.

[3] https://www.eiopa.europa.eu/eiopas-first-iorps-climate-stress-test-shows-material-exposure-transition-risks-2022-12-13_en