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Le pilotage de la rentabilité d’une garantie obligatoire dans un environnement tarifaire contraint

22/09/2021

Le cas de la Responsabilité Civile automobile en Afrique Francophone

Que ce soit au Maghreb ou en zone CIMA2, la Responsabilité Civile de la branche automobile est la garantie obligatoire par excellence. Mais au-delà d’être obligatoire, cette garantie est surtout particulièrement règlementée.

Les pays du Maghreb – exception faite du Maroc – procèdent actuellement avec un tarif légal, tandis que pour les pays de la zone francophone subsaharienne la situation est un peu différente : quand bien même un pays membre de la zone opterait pour un tarif libre, c’est le régulateur – via le code des assurances – qui impose un prix minimum.

Outre le fait de s’interroger sur la pertinence de la régulation comme elle s’entend sur la zone étudiée, l’idée de cet article est avant tout de démontrer que même dans un tel environnement, il est possible de piloter efficacement et de manière éclairée la rentabilité d’une compagnie d’assurance, et ici plus précisément, celle de la garantie Responsabilité Civile automobile.

Etat des lieux de la situation

Exception faite de l’Afrique du Sud où l’assurance vie représentait près de 80% des primes collectées en 2018, l’assurance non-vie est prépondérante sur la majorité des marchés du continent. Et c’est très souvent l’assurance automobile qui explique ce phénomène, notamment parce que sa principale garantie – la garantie Responsabilité Civile – est obligatoire dans de nombreux de pays.

Et pour s’assurer de la stabilité et de l’équilibre de cette branche, mais aussi parfois pour rendre économiquement accessible une garantie à laquelle chaque automobiliste est légalement tenu de souscrire, les gouvernements, via les organes de régulation du secteur, ont fait le choix d’encadrer les tarifs, voire de les règlementer assez strictement.

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Le premier tableau permet d’illustrer divers éléments évoqués précédemment comme la prépondérance de l’assurance non-vie dans la zone étudiée ou encore le type de contraintes existant concernant la tarification de la RC automobile. Mais l’information la plus intéressante est certainement que, contrairement à tous les autres marchés, le poids des primes collectées au titre de la RC automobile ressort particulièrement faible pour le marché algérien.
Le second tableau nous renseigne quant à lui sur la rentabilité de la branche automobile pour les marchés de l’Afrique francophone, et, nous pouvons constater que nombreux sont ceux qui affichent un ratio combiné très proche de 100% ; et ce, malgré des systèmes bonus-malus censés accompagner les évolutions de profils de risque des assurés.

Mais c’est en croisant les informations des deux tableaux que l’on obtient les observations les plus intéressantes : on constate en effet que l’un des marchés les plus contraignants – avec un tarif légal imposé, donc – est celui à la rentabilité technique la moins profitable.

La question de l’inadéquation entre les tarifs imposés – et les segmentations sur lesquelles elles reposent – et la sinistralité réelle des marchés ne peut être éludée ; d’autant que pour l’Algérie et la Tunisie, les tarifs en vigueur ne datent pas d’hier.

Le cas de la Tunisie est d’ailleurs assez symptomatique et mérite de s’y attarder plus longuement. En effet, ces dernières années, elle a tenté de remédier à cette inadéquation tarifaire en augmentant significativement, et de manière continue, les tarifs légaux, avec des effets plus que notables puisqu’à titre d’exemple, le S/P de la RC automobile était de près de 200% pour l’année 2012. Mais ce procédé montre rapidement ses limites lorsqu’il s’agit de pays à bas revenus notamment.

En effet, si l’on reste sur le cas spécifique de la Tunisie, il s’avère que le coût de la RC automobile en 2017 représentait 35% du salaire moyen national, et 79% du salaire minimum national. Il semble donc évident qu’une hausse continue des tarifs légaux ne peut perdurer et que d’autres moyens doivent être trouvés et mis en place afin de rééquilibrer un secteur actuellement en souffrance.

Les pistes pour une meilleure rentabilité

Mais comment procéder dans un environnement aussi contraint, comme c’est le cas pour la Tunisie par exemple ? Le salut pourrait venir du traitement des informations relatives aux assurés.

En effet, mieux connaitre les populations assurées, leurs caractéristiques propres – telles que l’âge, le sexe ou encore la Catégorie Socio-Professionnelle par exemple – ainsi que leur comportement dans diverses situations – renouvellement de contrat, variations de tarifs etc… – pourrait s’avérer particulièrement utile, et pas uniquement pour les assureurs. Les différents régulateurs pourraient s’appuyer sur une meilleure segmentation pour affiner les tarifs – et cela s’applique également au régulateur de la zone CIMA –, ce qui semble être une option bien plus tenable sur la durée qu’une succession de hausses des tarifs légaux.

Mais ce sont bien évidemment les assureurs qui auraient le plus intérêt à acquérir une connaissance plus fine de leurs assurés et de leurs comportements.

Tout d’abord, connaître qui sont les bons risques, et qui sont les mauvais risques est essentiel pour l’élaboration de toute politique marketing. En effet, en se basant sur cette connaissance, on pourra ainsi identifier vers qui diriger les offres commerciales les plus intéressantes, que ce soit au niveau du tarif – baisse de la garantie obligatoire ou offre de garanties facultatives – ou des niveaux de franchise, afin de retenir les assurés créateurs de valeurs pour la compagnie. De plus, elle nécessite une très forte réactivité, voire une automatisation des process grâce à la mise en place de « robo-pricing » par exemple (interdit dans certains pays où les tarifs d’assurance doivent être préalablement approuvés par les régulateurs).

Ensuite, une connaissance fine des moins bons risques n’est pas à négliger non plus. On aurait tendance à penser que se débarrasser de tous les assurés particulièrement accidentogènes serait la solution à privilégier, et auquel cas, augmenter leurs tarifs de manière suffisamment dissuasive, règlerait le problème. Mais ce n’est pas aussi simple, car ces mauvais risques ont un rôle à jouer dans la mutualisation. En revanche, avoir une vision claire de leur tolérance face aux augmentations – l’élasticité aux prix – permettra de définir une politique d’augmentation des tarifs ainsi qu’un système bonus-malus adaptés à même d’optimiser la rentabilité tout en préservant l’homogénéité du portefeuille.

Enfin, c’est au niveau de la stratégie de souscription qu’une connaissance accrue de son portefeuille pourra s’avérer décisive. En effet, en complément de politiques a posteriori – une fois que l’assuré est en portefeuille –, il est souhaitable d’avoir en place une stratégie a priori – avant que l’assuré n’intègre le portefeuille – qui repose sur une sélection précise des nouveaux risques que l’on souhaite attirer. Et le préalable essentiel à la mise en place d’une telle stratégie est d’avoir une connaissance suffisamment fine des profils de risques de son portefeuille, et de leurs comportements.

La donnée joue donc un rôle central dans tout processus de pilotage de la rentabilité – que ce soit d’ailleurs pour une garantie particulièrement règlementée ou non –, et c’est sans doute ce qui fait défaut à l’heure actuelle dans les zones étudiées.

Toutefois, une fois cet obstacle surmonté, les moyens de piloter efficacement la rentabilité d’une garantie très règlementée existent et reposent principalement sur une connaissance fine de son portefeuille, et donc de ses risques. Cette connaissance permettra de mettre en place diverses stratégies à même d’optimiser la rentabilité. Mais pour que l’ensemble fonctionne parfaitement, il est impératif que les contraintes mises en place soient suffisamment en phase avec les réalités contemporaines des marchés.

Un article rédigé par :

Ange BOUYOU-MANANGA
Senior Consultant

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